2. CHATEAUBRIAND (François-René de). 2 lettres autographes, Vallée-aux-Loups 14 et [26] avril 1812, à la duchesse de Duras.

CHATEAUBRIAND (François-René de). 2  lettres  autographes,  Vallée-aux-Loups  14  et  [26]  avril  1812,  à  la  duchesse de Duras ; 4 pages et 2 pages et demie in-8.

Au sujet de Moïse et de Natalie de Noailles. Val  de  loup  14  avril. 

« Vous  êtes  une  très  aimable  sœur,  mais  vous  ne  pouvez  faire  que  je  ne  sois  pas  ce  que  je  suis,  c’est-à-dire  le  plus  insouciant des hommes en fait d’affaires. Moi ! vous faire le récit de mes bêtises de fortune ! non certainement. En gros voilà l’histoire : je sais très bien pour les grandes dettes ; elles sont toutes payées par la nouvelle édition de l’Itinéraire. Mais il me reste une douzaine de mille  francs  engagés  dans  une  banqueroute  de  libraire  [Nicolle],  lesquels sont des billets qui rentrent à diverses époques et qu’il faut payer  en  empruntant  de  nouveau ;  ce  qui  me  gêne  beaucoup  par  moment. Mais je couperai court à cela l’hiver prochain, si je ne puis faire  autrement,  en  imprimant  à  mes  risques  et  périls  l’Abencerage. Quant à la Tragédie [Moïse], il y a 4 actes d’écrits. Je vais me mettre au  cinquième  pour  en  finir,  après  quoi  je  commencerai  l’histoire.  Je  laisserai  dormir  Moyse  jusqu’au  mois  d’octobre  et  j’y  mettrai  la  dernière  main  dans  l’automne,  de  manière  qu’il  soit  terminé  cet  hyver… Vous voilà instruite de tout ce que vous demandez. Les deux billets de la loterie seront pris, grâce à l’Adriene qui se donne mille soins pour cela, et qui, je vous jure, est une personne très distinguée et très mal jugée. Je n’ai pas entendu dire un mot de sa grossesse, mais il est vrai qu’elle m’a semblé malade dernièrement. Quant à la grande amie [Mme de Bérenger], il n’y a nulle doute sur son état. Comme elle  est  grande,  elle  porte  très  bien  sa  seconde  vie.  La  rue  Cérutti  [Natalie  de  Noailles]  grogne,  rêve,  est  à  moitié  folle,  mais  elle  ne  me tourmente plus. Et moi je deviens si lourd, si bête, si endormi, que j’en pleurois hier de désespoir. Je suis menacé de devenir imbécille. Je ferois peut-être bien de partir pour la Chine, cela me distrairoit ? […] Attachement pour la vie et au-delà ». (C.G. II 562)

Dimanche [26 avril ?]. « Ne plaisantez plus comme cela, chère sœur, et ne me dites pas qu’on vous écrit des horreurs de moi, quand vous ne pouvez pas sur le champ me montrer la lettre. Cela me laisse la tête pleine de fantômes. Au reste comme je ne dis du mal de personne, il est  tout  simple  qu’on  en  dise  de  moi.  Les  méchants  sont  respectés.  Cette plaisanterie de mon ennemie, si c’en est une, me paroit très mauvaise. Je la prie de ne pas plus s’occuper de moi, que je ne m’occupe d’elle. Il y a un vieux proverbe qui dit que quand un chien se noie chacun lui jette la pierre: c’est là mon histoire. Mais si je dois être noyé, cela ne fait pas que ceux qui m’attaquent de concert avec la police en soient plus nobles pour cela. Dites au reste ce que vous voulez. Je renoncerai à vous voir si cela vous épouvante. Comme  il  n’est  pas  probable  que  je  reste  en  France  longtemps,  le  sacrifice  sera  moins  douloureux  pour  moi.  Mon  exil  commencera  seulement  plutôt.  Quant  à  Mde  de  B.je  suis  peu  content  de ses tripotages. Je le lui dirai. Quant à Mde de N[oailles] il faut renoncer à sa signature et même à toute signature. Je ferai comme j’ai fait jusqu’à présent. Laissons tout cela. Votre lettre m’a fait beaucoup de peine »…. (CG II 563). Provenance : Vente La duchesse de Duras et ses amis, Chateaubriand (24 octobre 2013, n° 40) 2000/2500

VENTE DU 24 MARS 2021